Le monde de l’enfance est souvent peuplé de désillusions, surtout quand on finit par avancer en âge. Blandine ne fait pas exception. Petite, elle voulait devenir chef pâtissière, mais on lui a toujours dit que ce n’était pas possible, car c’était un métier qu’il fallait laisser aux plus pauvres. Comme des tas d’autres métiers artisanaux. Pourtant, elle adorait cela, mais comme elle n’avait d’yeux que pour ses parents, elle ne pouvait qu’obéir. Et puis depuis toute petite, on lui avait inculqué que ce n’était pas bien d’avoir un mot plus haut que l’autre. De plus, elle était la sœur aînée dans cette petite fratrie issue d’un milieu bourgeois. Elle se devait donc de montrer l’exemple.

Donc, dés son plus jeune âge, elle sut qu’elle devait être destinée à plaider au barreau. Il fallait être rigoureux, studieux et avoir une bonne mémoire pour entasser toutes les connaissances qu’on lui demanderait plus tard, alors tandis qu’elle continuait à pousser, elle engrangeait une bonne dose de savoir de base sur le droit et sur les langues. Parce que droit international oblige. Donc tous les samedis, c’était précepteurs et leçons, tandis que les autres enfants passaient du temps avec leurs parents où à faire ce que bon leur plaisait.

Mais parfois, ses parents partaient en voyage d’affaires ou bien la laissaient à une baby-sitter pour la soirée quand ce n’était pas sa nounou. Elle profitait toujours de ces moments-là pour faire l’intrépide, dans son monde imaginaire, qu’elle avait très vite développé faute de pouvoir faire autre chose. Et pas question de faire le mur avec les frères et sœurs. Les années passèrent, et une nouvelle fois, elle manifesta cette envie de faire des gâteaux, quand elle surprit sa nourrice en train de préparer son goûter d’anniversaire. Elle avait demandé si elle pouvait aider. Ses parents étaient encore une fois peu présents.

Comme la jeune femme et elle, s’étaient beaucoup rapprochées, un amour presque filial était né entre elles, et c’étaient toujours un plaisir que de partager ces moments ensembles, où la petite fille l’aidait à faire la cuisine.

Angy ayant compris son intérêt pour la fillette lui montrait tout ce qu’elle pouvait. Malheureusement, la poisse qui suivait la jeune femme depuis son plus jeune âge ne fit pas non plus défaut quand elle s’essayait à cette pratique. Une fois, alors qu’elle était adolescente, elle était allée chercher des œufs à la supérette du coin à la demande de son mentor, quand une petite fille qui courait dans le supermarché avec ses parents l’avait percutée de plein fouet. Les œufs avaient tous éclatés. Naturellement, c’était en période de vacances, le magasin n’avait pas été réapprovisionné, c’était la dernière boîte et donc elle était revenue sans cela. Heureusement, la nounou avait toujours des trucs et astuces pour arranger cela, et le dessert fut sauvé… Sauf que comme neuf fois sur dix, la gourmandise devenait immangeable à cause d’éléments extérieurs…

Ce ne sont là que des menus ennuis… Mais toute sa vie en a été jalonnée, alors je ne vais pas vous compter les anecdotes par le menu, sauf peut-être la fois où adolescente encore, elle eut enfin la chance de se retrouver seule à la maison. Cela faisait plusieurs mois que les parents débattaient sur le besoin de refaire à neuf les canalisations de la villa dans laquelle ils habitaient. Ce jour-là, elle aurait dû se rendre à une soirée pyjama, c’était la première fois qu’on l’invitait malgré le fait qu’elle faisait tout pour se tenir à l’écart des autres. Se disant qu’on l’avait accepté comme elle était, elle y alla, pensant passer une bonne soirée. Quand elle arriva là-bas, toutes les filles se moquèrent d’elle qui était la seule qui avait revêtu une tenue de pyjama pour la soirée… Or, il s’agissait d’une boom… Vexée, elle alla s’enfermer dans les toilettes pour pleurer. Alors qu’elle allait ressortir, une des canalisations céda. Le peu de contenu qu’il restait encore dans les toilettes l’aspergea assez pour qu’elle puisse s’en souvenir toute une vie. Finalement quand ses parents rentrèrent, elle insista pour qu’ils fassent leurs réparations au plus tôt, peu friande de réitérer l’expérience.

Malgré tous ces évènements, certains plus sordides que d’autres, elle réussit à suivre une scolarité plus ou moins exemplaire. Elle était rentrée en faculté de droit, comme ses parents l’avaient envisagé et s’ennuyait presque là-bas. Bien heureusement, certaines choses avaient changé et elle devait se remettre à la page. Surtout depuis la révélation de l’existence de créatures fantastiques. Les lois étaient en constante évolution, et même si elle avait été tenue au courant de l’actualité, elle devait sans cesse revoir sa copie du droit actuel. Elle ne comprenait pas trop pourquoi d’ailleurs, parce que si elle se souvenait bien, un établissement sur une île avait été crée pour eux, afin qu’ils puissent vivre en paix… Ce n’était pas bien grave, elle avait appris que des humains y avaient aussi droit de cité là-bas. Peut-être qu’elle y trouverait un travail, un peu plus tard ? L’idée de vivre sur l’île en question était une toute autre histoire…

La jeune avait désormais 21 ans quand la poisse la prit de court, encore, frappant à la porte, là où on ne l’attendait pas. Elle avait enfin réussi à se faire une véritable amie, qui la comprenait et respectait qu’elle veuille paraître rustre, surtout quand elle avait appris qu’elle venait d’un milieu aisé… Vous vous ne doutez… Cela ne manqua pas… Une autre étudiante en droit, spécialisée dans l’économie. Autant dire que cela avait été facile pour elle de monter une escroquerie contre les parents de Blandine. Et à cause d’elle ses parents avaient fait faillite. Se sentant coupable de faire vivre sa famille dans la misère, et d’être un poids pour eux, elle s’enfuit dans un endroit où personne ne la connaissait, partant de rien, pour essayer de se construire un avenir, ne plus être une charge financière et pourquoi pas reverser le trop-perçu qu’elle réussirait peut-être à gagner par miracle à sa famille, quand elle le pourrait ? C’est ainsi qu’elle débarqua à l’Eden, bien décidée à retrousser ses manches et à gagner son pain. Cela lui parut très difficile, au tout début… Pendant les six premiers mois, elle enchaîna les petits jobs avant de réellement se faire une place, étant donné son peu de connaissances dans d'autres domaines que les langues et le droit et le fait qu'elle n'avait jamais travaillé auparavant.

Depuis six mois à présent, elle travaille comme barmaid, et occupe un logement calme depuis son arrivée sur l'île artificielle. Il semblerait que sa poisse l’ait oubliée, mais pour combien de temps ? En tout cas, ses parents ne lui pardonnent pas d’être partie, et ils ont coupé les ponts avec elle. Ses frères eux, rêvent un jour de gagner l’île pour la rejoindre, et cela ne saurait tarder. Elle pendant ce temps-là, mène une petite vie tranquille et essaie de se faire la plus discrète possible. Au moins, elle ne porterait plus préjudice à sa famille… Et elle compte bien trouver une créature pour l’aider à remédier à cette malchance du haut de ses 22 ans, puisqu'elle vient de souffler ses bougies.